Préludes Livre 1 (Arturo Benedetti Michelangeli) | |||||||||||||||||||
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Pas de 5 étoiles ? Il faut être courageux (certains penseront béotien...) pour ne pas accorder la "note suprême" à ces interprétations qui passent pour une référence quasi absolue depuis bientôt 30 ans. On a souvent vanté les qualités de coloriste du pianiste italien, ainsi que son perfectionnisme intraitable. Deux qualités essentielles pour aborder ces "Préludes". Je lui concéde volontiers une rare rigueur d'exécution, ainsi qu'un art du toucher particulièrement travaillé. Mais c'est là que le bât blesse : ces mélanges apparaissent beaucoup trop réfléchis pour éveiller les mille nuances de la palette debussyste. Quitte à verser dans la cérébralité et refuser la narration, autant oser la profondeur, la noirceur, l'épaisseur comme le fera Claudio Arrau, qui savait néanmoins passer de l'évocation à l'imaginaire, sauvant une certaine poésie trouble de ce cahier pianistique si riches d'images. Mais je n'entends ici que des "danseuses de Delphes" aux gestes précis mais dépourvues de leur grâce hellénique, un "vent d'ouest" solipsiste qui ne veut pas nous raconter ce qu'il a vu, des "minstrels" davantage imbus de rhétorique que d'humour, des "pas sur la neige" qui confondent l'objet et le sujet (les phrasés me semblent eux-mêmes gelés)... De la réflexion, du labeur, de la concentration, de l'intériorité, ce disque en recèle comme jamais : un vrai sacerdoce de technique. Mais à mes oreilles, ces échantillons de laboratoire n'évoquent rien, pas plus qu'ils ne parlent un quelconque discours poétique. Si vous comprenez « sans effort le langage des fleurs et des choses muettes », peut-être percerez-vous les mystères de cette lecture qui me semble bien hermétique. L'émotion, la sensation, la vie (ou son illusion), je vais toujours les chercher dans les interprétations plus communicatives de Marcelle Meyer ou Walter Gieseking, pour en rester aux grands classiques de la discographie. |